Monday, January 19, 2015

Sortir de la "guerre contre la drogue"

En cette occasion on récupère un article de Maurice Lemoine paru dans l’édition Janvier 2015 de Le Monde Diplomatique,  recensant deux ouvrages qui prennet per cible d’un côté (Roberto Saviano) les caractéristiques actuelles du trafic de cocaïne et de l’autre (Johann Hari) la perspective historique de la guerre contre les drogues (war on drugs) et son échec. Comme d’ habitude on a ajouté des hyperliens et information supplémentaire d’ autres sources à la fin du texte.
Militaire mexicain  surveille la destruction d' un cache d
stupéfiants image extraite de Arte
Roberto Saviano : une enquête qui sent la poudre
Roberto Saviano : une enquête qui sent la poudre
Roberto Saviano : une enquête qui sent la poudre
Roberto Saviano : une enquête qui sent la poudre

Sortir de la « guerre contre la drogue »

par Maurice Lemoine

Longtemps « coke » et « ultraviolence » ont eu pour synonyme « Colombie ». Les temps ont changé. Le pays où la drogue déchaîne une folie meurtrière s’appelle aujourd’hui Mexique. L’écrivain et journaliste italien Roberto Saviano, menacé de mort par la Mafia et vivant sous protection policière depuis la publication de Gomorra, y a poursuivi son travail sur le crime organisé.
A propos de cette nouvelle enquête, on pourrait presque parler d’un « Who’s who » des parrains et cartels qui gèrent la production de la cocaïne, de l’héroïne, de la marijuana..., en contrôlent les prix et la distribution, en encaissent les profits. Avec ses vedettes — Pablo Escobar, M. Miguel Angel Félix Gallardo, dit « El Padrino », Amado Carrillo Fuentes, surnommé « El Señor de los Cielos » (le maître des cieux) —, ses criminels inconnus — tchétchènes, libériens, albanais, roumains, croates, russes, israéliens —, ses bénéficiaires discrets, qu’il s’agisse de la City, de Wall Street ou des paradis fiscaux, et enfin ses martyrs. Ainsi d’Enrique Camarena Salazar, agent de la Drug Enforcement Administration (DEA, l’agence « antinarco » américaine), infiltré dans le Triangle d’or mexicain. Enlevé avec la collaboration de policiers corrompus aux ordres du cartel de Guadalajara, il « a fait perdre le sommeil pendant des semaines aux juges qui ont écouté [sur cassettes] les hurlements insoutenables dus aux tortures que lui ont infligées pendant neuf heures les hommes d’“El Padrino” ».

Saviano, partagé entre répulsion et fascination, a une approche de ce monde souterrain qu’on peut trouver discutable. Ainsi, à propos de la Colombie, il dresse un portrait relativement aseptisé du chef paramilitaire Salvatore Mancuso, ou s’attarde sur l’histoire d’amour entre un « narco » et Natalia Paris, l’un des sex-symbols de l’Amérique latine. A contrario, il expédie en une vingtaine de lignes les liens du crime organisé avec les procureurs, hommes politiques, militaires et policiers. Moins « people » mais plus utile, il aurait été souhaitable d’apprendre que le général Mauricio Santoyo, condamné en 2012 aux Etats-Unis à treize ans de prison pour narcotrafic, n’est autre que l’ex-chef de la sécurité du président Alvaro Uribe au palais présidentiel... Néanmoins, Saviano n’oublie pas de préciser que le cartel des Zetas a été fondé par des soldats corrompus d’un corps d’élite de l’armée mexicaine, ni que, au Guatemala, les rangs des mafieux ont été gonflés par les déserteurs des Kaibiles — la redoutable unité contre-insurrectionnelle créée dans les années 1980 et 1990 avec l’aide des Etats-Unis. Et il ne gomme pas davantage le total échec de la « guerre contre la drogue ».
 
Dans une tout autre démarche, l’ouvrage de Johann Hari (Chasing the scream ) tente de répondre à un certain nombre de questions : « Pourquoi la “guerre contre la drogue” a-t-elle commencé ? Pourquoi certains peuvent-ils en consommer sans problème ? Qu’est-ce qui réellement crée l’addiction ? Que se passe-t-il si vous optez pour une politique non répressive ? »

Partant des destins croisés de Harry Anslinger, premier « tsar antinarcotiques » américain, et de la chanteuse Billie Holiday, « qui, lorsqu’elle chantait Lover Man, Where Can You Be ? », n’évoquait pas un manque d’amour, mais le manque d’héroïne, l’enquête se termine au Portugal, où l’usage personnel des drogues a été décriminalisé en 2001. Entre-temps, le lecteur croisera tous les protagonistes du trafic. Un ancien membre des Zetas : « Tu es contraint à faire ce qu’ils veulent. Si tu ne le fais pas, ils te tuent. C’est aussi simple que ça. » Des flics américains : « Même quand vous arrêtez un grand nombre de dealers, la vente de drogue ne diminue pas. Comme tout dealer le sait, s’il est arrêté, il y en a une centaine derrière lui prêts à prendre sa place. » Des médecins : « Il n’y a actuellement qu’un chemin pour stopper la violence : légaliser et réguler. » Le chef du service anti-« stups » de Lisbonne, M. João Figueira, conservateur, opposé initialement à l’expérience, constate que le Portugal a désormais un niveau de consommation inférieur à la moyenne européenne : « En fait, compte tenu des résultats que nous avons obtenus, il n’y a plus ici aucun débat idéologique, car cela n’a rien à voir avec l’idéologie. »

Url Originale http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/LEMOINE/51957

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Par @OnadaExpansiva

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